La Faute de l'Abbé Mouret
La Faute de l'Abbé Mouret (paragraphe n°1924)
Partie : Livre 3, chapitre XII
Elle le mena au parterre. Le bois de roses restait odorant, les dernières fleurs avaient des parfums amers ; tandis que les feuillages, grandis démesurément, couvraient la terre d'une mare dormante. Mais Serge témoigna une telle répugnance à entrer dans ces broussailles, qu'ils restèrent sur le bord, cherchant de loin les allées où ils avaient passé au printemps. Elle se rappelait les moindres coins ; elle lui montrait du doigt la grotte où dormait la femme de marbre, les chevelures pendantes des chèvrefeuilles et des clématites, les champs de violettes, la fontaine qui crachait des œillets rouges, le grand escalier empli d'un ruissellement de giroflées fauves, la colonnade en ruine au centre de laquelle les lis bâtissaient un pavillon blanc. C'était là qu'ils étaient nés tous les deux, dans le soleil. Et elle racontait les plus petits détails de cette première journée, la façon dont ils marchaient, l'odeur que l'air avait à l'ombre. Lui, semblait écouter ; puis, d'une question, il prouvait qu'il n'avait pas compris. Le léger frisson qui le pâlissait ne le quittait point.