La Faute de l'Abbé Mouret

La Faute de l'Abbé Mouret (paragraphe n°1877)

Partie : Livre 3, chapitre X

Et la partie s'engagea. Elle fut terrible. Le Frère abattait les cartes avec des coups de poing. Quand il criait : Bataille ! les vitres sonnaient. C'était la Teuse qui gagnait. Elle avait trois as depuis longtemps, elle guettait le quatrième d'un regard luisant. Cependant, Frère Archangias se livrait à d'autres plaisanteries. Il soulevait la table, au risque de casser la lampe ; il trichait effrontément, se défendant à l'aide de mensonges énormes, pour la farce, disait-il ensuite. Brusquement, il entonna les Vêpres, qu'il chanta d'une voix pleine de chantre au lutrin. Et il ne cessa plus, ronflant lugubrément, accentuant la chute de chaque verset en tapant ses cartes, sur la paume de sa main gauche. Quand sa gaieté était au comble, quand il ne trouvait plus rienpour l'exprimer, il chantait ainsi les Vêpres, pendant des heures. La Teuse, qui le connaissait bien, se pencha pour lui crier, au milieu du mugissement dont il emplissait la salle à manger

?>