La Faute de l'Abbé Mouret
La Faute de l'Abbé Mouret (paragraphe n°1862)
Partie : Livre 3, chapitre X
Le soir, après le dîner, Frère Archangias vint faire sa partie de bataille avec la Teuse. Il avait, ce soir-là, une gaieté énorme. Quand le Frère était gai, il allongeait des coups de poing dans les côtes de la Teuse, qui lui rendait des soufflets, à toute volée. Cela les faisait rire, d'un rire dont les plafonds tremblaient. Puis, il inventait des farces extraordinaires : il cassait avec son nez des assiettes posées à plat, il pariait de fendre à coup de derrière la porte de la salle à manger, il jetait tout le tabac de sa tabatière dans le café de la vieille servante, ou bien apportait une poignée de cailloux qu'il lui glissait dans la gorge, en les enfonçant avec la main, jusqu'à la ceinture. Ces débordements de joie sanguine éclataient pour un rien, au milieu de ses colères accoutumées ; souvent un fait dont personne ne riait lui donnait une véritable attaque de folie bruyante, tapant des pieds, tournant comme une toupie, se tenant le ventre.