La Faute de l'Abbé Mouret

La Faute de l'Abbé Mouret (paragraphe n°1842)

Partie : Livre 3, chapitre IX

Le prêtre, brusquement, poussa une plainte sourde. Il se dressa, comme sous un coup de dent invisible ; puis, il s'abattit de nouveau. La tentation venait de le mordre. Dans quelle ordure s'égaraient donc ses souvenirs ? Ne savait-il pas que Satan a toutes les ruses, qu'il profite même des heures d'examen intérieur pour glisser jusqu'à l'âme sa tête de serpent ? Non, non, pas d'excuse ! La maladie n'autorisait point le péché. C'était à lui de se garder, de retrouver Dieu, au sortir de la fièvre. Au contraire, il avait pris plaisir à s'accroupir dans sa chair. Et quelle preuve de ses appétits abominables ! Il ne pouvait confesser sa faute, sans glisser malgré lui au besoin de la commettre encore en pensée. N'imposerait-il pas silence à sa fange ! Il rêvait de se vider le crâne, pour ne plus penser ; de s'ouvrir les veines, pour que son sang coupable ne le tourmentât plus. Un instant, il resta la face entre les mains, grelottant, cachant les moindres bouts de sa peau, comme si les bêtes qui rôdaient autour de lui lui eussent hérissé le poil de leur haleine chaude.

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