La Faute de l'Abbé Mouret
La Faute de l'Abbé Mouret (paragraphe n°1835)
Partie : Livre 3, chapitre IX
Mais Jésus n'était plus là... Alors l'abbé Mouret, s'éveillant comme en sursaut, devint horriblement pâle. Il comprenait. Il n'avait pas su garder Jésus. Il perdait son ami, il restait sans défense contre le mal. Au lieu de cette clarté intérieure, dont il était tout éclairé, et dans laquelleil avait reçu son Dieu, il ne trouvait plus en lui que des ténèbres, une fumée mauvaise, qui exaspérait sa chair. Jésus, en se retirant, avait emporté la grâce. Lui, si fort depuis le matin du secours du ciel, il se sentait tout d'un coup misérable, abandonné, d'une faiblesse d'enfant. Et quelle atroce chute, quelle immense amertume ! Avoir lutté héroïquement, être resté debout invincible, implacable, pendant que la tentation était là, vivante, avec sa taille ronde, ses épaules superbes, son odeur de femme passionnée ; puis, succomber honteusement, haleter d'un désir abominable, lorsque la tentation s'éloignait, ne laissant derrière elle qu'un frisson de jupe, un parfum envolé de nuque blonde ! Maintenant, avec les seuls souvenirs, elle rentrait toute-puissante, elle envahissait l'église.