La Faute de l'Abbé Mouret
La Faute de l'Abbé Mouret (paragraphe n°1833)
Partie : Livre 3, chapitre IX
Il la voyait encore là. Elle lui tendait les bras, elle était désirable, à lui faire rompre tous ses serments. Et il se jetait sur sa gorge, sans respect pour l'église ; il lui prenait les membres, il la possédait sous une pluie de baisers. C'était devant elle qu'il se mettait à genoux, implorant sa miséricorde, lui demandant pardon de ses brutalités. Il expliquait qu'à certaines heures, il y avait en lui une voix qui n'était pas la sienne. Est-ce que jamais il l'aurait maltraitée ! La voix étrangère seule avait parlé. Ce ne pouvait être lui, qui n'aurait pas, sans un frisson, touché à un de ses cheveux. Et il l'avait chassée, l'église était bien vide ! Où devait-il courir, pour la rejoindre, pour la ramener, en essuyant ses larmes sous des caresses ? La pluie tombait plus fort. Les chemins étaient des lacs de boue. Il se l'imaginait battue par l'averse, chancelant le long des fossés, avec des jupes trempées, collées à sa peau. Non, non, ce n'était pas lui, c'était l'autre, la voix jalouse, qui avait eu cette cruauté de vouloir la mort de son amour.