La Faute de l'Abbé Mouret
La Faute de l'Abbé Mouret (paragraphe n°1635)
Partie : Livre 3, chapitre VI
Dès le petit jour, il s'agenouilla devant le crucifix. Et la grâce vint, abondante comme une rosée. Il ne fit pas d'effort, il n'eut qu'à plier les genoux, pour la recevoir surle cœur, pour en être trempé jusqu'aux os, d'une façon délicieusement douce. La veille, il avait agonisé, sans qu'elle descendit. Elle restait longtemps sourde à ses lamentations de damné ; elle le secourait souvent, lorsque, d'un geste d'enfant, il ne savait plus que joindre les mains. Ce fut, ce matin-là, une bénédiction, un repos absolu, une foi entière. Il oublia ses angoisses des jours précédents. Il se donna tout à la joie triomphale de la Croix. Une armure lui montait aux épaules, si impénétrable, que le monde s'émoussait sur elle. Quand il descendit, il marchait dans un air de victoire et de sérénité. La Teuse émerveillée alla chercher Désirée, pour qu'il l'embrassât. Toutes deux tapaient des mains, en criant qu'il n'avait pas eu si bonne mine depuis six mois.