La Faute de l'Abbé Mouret
La Faute de l'Abbé Mouret (paragraphe n°1190)
Partie : Livre 2, chapitre XIV
Serge se mit à quelques pas d'elle, dans un fauteuil, parlant d'autre chose. Ils étaient très las tous les deux, comme s'ils avaient fait une longue course. Et ils éprouvaient un malaise, à croire que les peintures les regardaient. Les grappes d'Amours roulaient hors des lambris, avec un tapage de chairs amoureuses, une débandade de gamins éhontés leur jetant leurs fleurs, lesmenaçants de les lier ensemble, à l'aide des faveurs bleues dont ils enchaînaient étroitement deux amants, dans un coin du plafond. Les couples s'animaient, déroulaient l'histoire de cette grande fille nue aimée d'un faune, qu'ils pouvaient reconstruire depuis le guet du faune derrière un buisson de roses, jusqu'à l'abandon de la grande fille au milieu des roses effeuillées. Est-ce qu'ils allaient tous descendre ? N'était-ce pas eux qui soupiraient déjà, et dont l'haleine emplissait la chambre de l'odeur d'une volupté ancienne ?