La Faute de l'Abbé Mouret

La Faute de l'Abbé Mouret (paragraphe n°1160)

Partie : Livre 2, chapitre XII

Il la conduisit par le bout des doigts, car elle tressaillait, lorsqu'il lui touchait seulement le poignet. Le bois d'arbres verts où elle s'assit était fait d'un beau cèdre, qui élargissait à plus de dix mètres les toits plats de ses branches. Puis, en arrière, poussaient les essences bizarres des conifères ; les cupressus au feuillage mou et plat comme une épaisse guipure ; les abiès, droits et graves, pareils à d'anciennes pierres sacrées, noires encore du sang des victimes ; les taxus, dont les robes sombres se frangeaient d'argent ; toutes les plantes à feuillage persistant, d'une végétation trapue, à la verdure foncée de cuir verni, éclaboussée de jaune et de rouge, si puissante, que le soleil glissait sur elle sans l'assouplir. Un araucaria surtout était étrange, avec ses grands bras réguliers, qui ressemblaient à une architecture de reptiles, entés les uns sur les autres, hérissant leurs feuillesimbriquées comme des écailles de serpents en colère. Là, sous ces ombrages lourds, la chaleur avait un sommeil voluptueux. L'air dormait, sans un souffle, dans une moiteur d'alcôve. Un parfum d'amour oriental, le parfum des lèvres peintes de la Sunamite, s'exhalait des bois odorants.

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