La Débâcle
La Débâcle (paragraphe n°467)
Partie : PREMIERE PARTIE, chapitre V
Et l'aventure recommençait, il en avait maintenant la sensation nette, la certitude. Pour que l'ennemi ne les eût pas attaqués, vingt-quatre heures après l'escarmouche de Grand-Pré, il fallait que le 4e hussards s'y fût heurté simplement à quelque reconnaissance de cavalerie. Les colonnes devaient être loin encore, peut-être à deux journées de marche. Tout d'un coup, cette pensée le terrifia, lorsqu'il réfléchit au temps qu'on venait de perdre. En trois jours, on n'avait pas fait deux lieues de Contreuve à Vouziers. Le 25 et le 26, les autres corps d'armée étaient montés au nord, sous prétexte de se ravitailler ; tandis que, maintenant, le 27, les voilà qui descendaient au midi, pour accepter une bataille que personne ne leur offrait. A la suite du 4e hussards, vers les défilés de l'Argonne abandonnés, la brigade Bordass'était crue perdue, entraînant à son secours toute la division, puis le 7e corps, puis l'armée entière, inutilement. Et Maurice songeait au prix inestimable de chaque heure, dans ce projet fou de donner la main à Bazaine, un plan que, seul, un général de génie aurait pu exécuter, avec des soldats solides, à la condition d'aller en tempête, droit devant lui, au travers des obstacles.