La Débâcle
La Débâcle (paragraphe n°3013)
Chapitre VII
Les jours suivants, Maurice oublia d'abord, au milieu des événements extraordinaires qui se précipitaient. Le 19, Paris s'était réveillé sans gouvernement, plus surpris qu'effrayé d'apprendre le coup de panique qui venait d'emporter à Versailles, pendant la nuit, l'armée, les services publics, les ministres ; et, comme le temps était superbe, par ce beau dimanche de mars, Paris descendit tranquillement dans les rues regarder les barricades. Une grande affiche blanche du Comité central, convoquant le peuple pour des élections communales, semblait très sage. On s'étonnait simplement de la voir signée par des noms profondément inconnus. A cette aube de la Commune, Paris était contre Versailles, dans la rancune de ce qu'il avait souffert et dans les soupçons qui le hantaient. C'était, d'ailleurs, l'anarchie absolue, la lutte des maires et du Comité central, les inutiles efforts de conciliation tentés par les premiers, tandis que l'autre, peu sûr encore d'avoir pour lui toute la garde nationale fédérée, continuait à ne revendiquer modestement que les libertés municipales. Les coups de feu tirés contre la manifestation pacifique de la place Vendôme, les quelques victimes dont le sang avait rougi le pavé, jetèrent, au travers de la ville, le premier frisson de terreur. Et, pendant que l'insurrection triomphante s'emparait définitivement de tous les ministères et detoutes les administrations publiques, la colère et la peur étaient grandes à Versailles, le gouvernement se pressait de réunir des forces militaires suffisantes, pour repousser une attaque qu'il sentait prochaine. Les meilleures troupes des armées du Nord et de la Loire étaient appelées en hâte, une dizaine de jours avaient suffi pour réunir près de quatre-vingt mille hommes, et la confiance revenait si rapide, que, dès le 2 avril, deux divisions, ouvrant les hostilités, enlevèrent aux fédérés Puteaux et Courbevoie.