La Débâcle
La Débâcle (paragraphe n°2798)
Chapitre V
Les heures se passèrent, la journée du lendemain s'écoula, sans qu'elle eût rien trouvé. Elle vaquait comme d'ordinaire à sa besogne, balayait la cuisine, soignait les vaches, faisait la soupe. Et, dans son absolu silence, l'effrayant silence qu'elle continuait à garder, ce qui montait et l'empoisonnait davantage d'heure en heure, c'était sa haine contre Goliath. Il était son péché, sa damnation. Sans lui, elle aurait attendu Honoré, et Honoré vivrait, et elle serait heureuse. De quel ton il avait fait savoir qu'il était le maître ! D'ailleurs, c'était la vérité, il n'y avait plus de gendarmes, plus de juges à qui s'adresser, la force seule avait raison. Oh ! être la plus forte, le prendre quand il viendrait, lui qui parlait de prendre les autres ! En elle, il n'y avait que l'enfant, qui était sa chair. Ce père de hasard ne comptait pas, n'avait jamais compté. Elle n'était pas épouse, elle ne se sentait soulevée que d'une colère, d'une rancune de vaincue, quand elle pensait à lui. Plutôt que de le lui donner, elle aurait tué l'enfant, elle se serait tuée ensuite. Et elle le lui avait bien dit, cet enfant qu'il lui avait fait comme un cadeau de haine, elle l'aurait voulu grand déjà, capable de la défendre, elle le voyait plus tard, avec un fusil, leur trouant la peau à tous, là-bas. Ah ! oui, un Français de plus, un Français tueur de Prussiens !