La Débâcle
La Débâcle (paragraphe n°2703)
Chapitre V
Mais, avant d'aller coucher Charlot, Silvine le menait d'habitude dire bonsoir à Jean, avec qui l'enfant était grand ami. Ce soir-là, comme elle entrait, sa chandelle à la main, elle aperçut le blessé assis sur son séant, les yeux grands ouverts au milieu des ténèbres. Tiens, il ne dormait donc pas ? Ma foi, non ! il rêvassait à toutes sortes de choses, seul dans le silence de cette nuit d'hiver. Et, pendant qu'elle bourrait le poêle de charbon, il joua un instant avec Charlot, qui se roulait sur le lit, ainsi qu'un jeune chat. Il connaissait l'histoire de Silvine, il avait de l'amitié pour cette fille brave et soumise, si éprouvée par le malheur, en deuil du seul homme qu'elle eût aimé, n'ayant gardé d'autre consolation que ce pauvre petit, dont la naissance restait son tourment. Aussi, lorsque, le poêle couvert, elle s'approcha pour le lui reprendre des bras, remarqua-t-il, à ses yeux rouges, qu'elle avait pleuré. Quoi donc ? on venait encore de lui faire du souci ? Mais elle ne voulut pas répondre : plus tard, elle lui dirait ça, si ça en valait la peine. Mon Dieu ! est-ce que l'existence, pour elle, maintenant, n'était pas un continuel chagrin ?