La Débâcle
La Débâcle (paragraphe n°260)
Partie : PREMIERE PARTIE, chapitre III
Dans la joie de la nappe très blanche, ravi du vin blanc qui étincelait dans son verre, Maurice mangea deux œufs à la coque, avec une gourmandise qu'il ne se connaissait pas. A gauche, lorsqu'il tournait la tête, il avait, par une des portes de la tonnelle, la vue de la vaste plaine, plantée de tentes, toute une ville grouillante qui venait de pousser parmi les chaumes, entre le canal et Reims. A peine quelques maigres bouquets d'arbres tachaient-ils de vert la grise étendue. Trois moulins dressaient leurs bras maigres. Mais, au-dessus des confuses toitures de Reims, que noyaient des cimes de marronniers, le colossal vaisseau de la cathédrale se profilait dans l'air bleu, géant malgré la distance, à côté des maisons basses. Et des souvenirs de classe, des leçons apprises, ânonnées, revenaient dans sa mémoire :le sacre de nos rois, la sainte ampoule, Clovis, Jeanne d'Arc, toute la glorieuse vieille France.