La Débâcle
La Débâcle (paragraphe n°2244)
Chapitre I
Mais Silvine, dont les yeux se dilataient, jeta un cri, eut un brusque geste d'horreur. Les soldats ne bougeaient pas, ils étaient morts. Les deux zouaves, raidis, les mains tordues n'avaient plus de visage, le nez arraché, les yeux sautés des orbites. Le rire de celui qui se tenait le ventre venait de ce qu'une balle lui avait fendu les lèvres, en lui cassant les dents. Et cela était vraiment atroce, ces misérables qui causaient, dans leurs attitudes cassées demannequins, les regards vitreux, les bouches ouvertes, tous glacés, immobiles à jamais. S'étaient-ils traînés à cette place, vivants encore, pour mourir ensemble ? Etaient-ce plutôt les Prussiens qui avaient fait la farce de les ramasser, puis de les asseoir en rond, par une moquerie de la vieille gaieté française ?