La Débâcle
La Débâcle (paragraphe n°1910)
Partie : DEUXIEME PARTIE, chapitre VI
Mais, sur la route, le général Lebrun prit le galop, et il eut la chance, comme il arrivait à Balan, d'apercevoir legénéral de Wimpffen. Celui-ci, quelques minutes plus tôt, avait écrit à l'empereur : " Sire, venez vous mettre à la tête de vos troupes, elles tiendront à honneur de vous ouvrir un passage à travers des lignes ennemies. " Aussi entra-t-il dans une furieuse colère, au seul mot d'armistice. Non, non ! il ne signerait rien, il voulait se battre ! Il était trois heures et demie. Et ce fut peu de temps après qu'eut lieu la tentative héroïque et désespérée, cette poussée dernière, pour ouvrir une trouée au travers des Bavarois, en marchant une fois encore sur Bazeilles. Par les rues de Sedan, par les champs voisins, afin de rendre du cœur aux troupes, on mentait, on criait : " Bazaine arrive ! Bazaine arrive ! " Depuis le matin, c'était le rêve de beaucoup, on croyait entendre le canon de l'armée de Metz, à chaque batterie nouvelle que démasquaient les Allemands. Douze cents hommes environ furent réunis, des soldats débandés de tous les corps, où toutes les armes se mêlaient ; et la petite colonne se lança glorieusement, sur la route balayée de mitraille, au pas de course. D'abord, ce fut superbe, les hommes qui tombaient n'arrêtaient pas l'élan des autres, on parcourut près de cinq cents mètres avec une véritable furie de courage. Mais, bientôt, les rangs s'éclaircirent, les plus braves se replièrent. Que faire contre l'écrasement du nombre ? Il n'y avait là que la témérité folle d'un chef d'armée qui ne voulait pas être vaincu. Et le général de Wimpffen finit par se trouver seul avec le général Lebrun, sur cette route de Balan et de Bazeilles, qu'ils durent définitivement abandonner. Il ne restait qu'à battre en retraite sous les murs de Sedan.