La Débâcle
La Débâcle (paragraphe n°1729)
Partie : DEUXIEME PARTIE, chapitre V
Lentement, Maurice s'était relevé. Il se tâtait, n'avait rien, pas une égratignure. Pourquoi donc ne fuyait-il pas ? Il était temps encore, il pouvait atteindre le petit mur en quelques sauts, et ce serait le salut. La peur renaissait, l'affolait. D'un bond, il prenait sa course, lorsque des liens plus forts que la mort le retinrent. Non ! ce n'était pas possible, il ne pouvait abandonner Jean. Toute sa chair en aurait saigné, la fraternité qui avait grandi entre ce paysan et lui allait au fond de son être, à la racine même de la vie. Cela remontait peut-être aux premiers jours du monde, et c'était aussi comme s'il n'y avait plus eu que deux hommes, dont l'un n'aurait pu renoncer à l'autre, sans renoncer à lui-même.