La Débâcle
La Débâcle (paragraphe n°1597)
Partie : DEUXIEME PARTIE, chapitre V
On vit encore le général Douay passer au galop, suivi de son état-major. Il venait de se rencontrer avec le général de Wimpffen, accouru pour le supplier de tenir, ce qu'il avait cru pouvoir promettre de faire, mais à la condition formelle que le calvaire d'Illy, sur sa droite, serait défendu. Si l'on perdait la position d'Illy, il ne répondait plus de rien, la retraite devenait fatale. Le général de Wimpffen déclara que des troupes du 1er corps allaient occuper le calvaire ; et, en effet, on vit presque aussitôt un régiment de zouaves s'y établir ; de sorte que le général Douay, rassuré, consentit à envoyer la division Dumont au secours du 12e corps, très menacé. Mais, un quart d'heure plus tard, comme il revenait de constater l'attitude solide de sa gauche, il s'exclama en levant les yeux et en remarquant que le calvaire était vide : plus de zouaves, on avait abandonné le plateau, que le feu d'enfer des batteries de Fleigneux rendait d'ailleurs intenable. Et, désespéré, prévoyant le désastre, il se portait rapidement sur la droite, lorsqu'il tomba dans une déroute de la division Dumont, qui se repliait en désordre, affolée, mêlée aux débris du 1er corps. Ce dernier, après sonmouvement de retraite, n'avait pu reconquérir ses positions du matin, laissant Daigny au XIIe corps saxon et Givonne à la garde prussienne, forcé de remonter vers le nord, à travers le bois de la Garenne, canonné par les batteries que l'ennemi installait sur toutes les crêtes, d'un bout à l'autre du vallon. Le terrible cercle de fer et de flammes se resserrait, une partie de la garde continuait sa marche sur Illy, de l'est à l'ouest, en tournant les coteaux ; tandis que, de l'ouest à l'est, derrière le XIe corps, maître de Saint-Menges, le Ve cheminait toujours, dépassait Fleigneux, portait sans cesse ses canons plus en avant avec une impudente témérité, si convaincu de l'ignorance et de l'impuissance des troupes françaises, qu'il n'attendait même pas l'infanterie pour les soutenir. Il était midi, l'horizon entier s'embrasait, tonnant, croisant les feux sur le 7e et le 1er corps.