La Débâcle
La Débâcle (paragraphe n°1475)
Partie : DEUXIEME PARTIE, chapitre IV
Beaucoup de ces jeunes soldats arrivaient de Toulon, de Rochefort ou de Brest, à peine instruits, sans avoir jamais fait le coup de feu ; et, depuis le matin, il se battaient avec une bravoure, une solidité de vétérans. Eux qui, de Reims à Mouzon, avaient marché si mal, alourdis d'inaccoutumance, se révélaient comme les mieux disciplinés, les plus fraternellement unis d'un lien de devoir et d'abnégation, devant l'ennemi. Les clairons n'avaient eu qu'à sonner, ils retournaient au feu, ils reprenaient l'attaque, malgré leurs cœurs gros de colère. Trois fois, on leur avait promis, pour les soutenir, une division qui ne venait pas. Ils se sentaient abandonnés, sacrifiés. C'était leur vie à tous qu'on leur demandait, en les ramenant ainsi sur Bazeilles, après le leur avoir fait évacuer. Et ils le savaient, et ils donnaient leur vie sans une révolte, serrant les rangs, quittant les arbres qui les protégeaient, pour rentrer sous les obus et les balles.