La Débâcle
La Débâcle (paragraphe n°1328)
Partie : DEUXIEME PARTIE, chapitre III
Quatre heures sonnaient à un clocher de Sedan. Le petit jour pointait, louche et sale dans la brume roussâtre.Impossible de rien voir, elle ne distinguait même plus les bâtiments du collège, à quelques mètres. Où tirait-on, mon Dieu ? Sa première pensée fut pour son frère Maurice, car les coups étaient si assourdis, qu'ils lui semblaient venir du nord, par-dessus la ville. Puis, elle n'en put douter, on tirait là, devant elle, et elle trembla pour son mari. C'était à Bazeilles, certainement. Pourtant, elle se rassura pendant quelques minutes, les détonations lui paraissaient être, par moments, à sa droite. On se battait peut-être à Donchery, dont elle savait qu'on n'avait pu faire sauter le pont. Et ensuite la plus cruelle indécision s'empara d'elle : était-ce à Donchery, était-ce à Bazeilles ? il devenait impossible de s'en rendre compte, dans le bourdonnement qui lui emplissait la tête. Bientôt, son tourment fut tel, qu'elle se sentit incapable de rester là davantage, à attendre. Elle frémissait d'un besoin immédiat de savoir, elle jeta un châle sur ses épaules et sortit, allant aux nouvelles.