La Débâcle
La Débâcle (paragraphe n°1327)
Partie : DEUXIEME PARTIE, chapitre III
Vers deux heures, tout habillée, Henriette vint se jeter sur son lit, en négligeant même de fermer la fenêtre. La fatigue, l'anxiété l'écrasaient. Qu'avait-elle, à grelotter ainsi de fièvre, elle si calme d'habitude, marchant d'un pas si léger, qu'on ne l'entendait pas vivre ? Et elle sommeilla péniblement, engourdie, avec la sensation persistante du malheur qui pesait dans le ciel noir. Tout d'un coup, au fond de son mauvais sommeil, le canon recommença, des détonations sourdes, lointaines ; et il ne cessait plus, régulier, entêté. Frissonnante, elle se mit sur son séant. Où était-elle donc ? Elle ne reconnaissait plus, elle ne voyait plus la chambre, qu'une épaisse fumée semblait emplir. Puis, elle comprit : des brouillards, qui s'étaient levés du fleuve voisin, avaient dû envahir la pièce. Dehors, le canon redoublait. Elle sauta du lit, elle courut à la fenêtre, pour écouter.