La Débâcle
La Débâcle (paragraphe n°1264)
Partie : DEUXIEME PARTIE, chapitre II
Mais on ne s'entendait plus, Maurice souffrait surtout de l'effroyable vacarme. La batterie voisine tirait sans relâche, d'un grondement continu dont la terre tremblait ; et les mitrailleuses, plus encore, déchiraient l'air, intolérables. Est-ce qu'on allait rester ainsi longtemps, couchés au milieu des choux ? On ne voyait toujours rien, on ne savait rien. Impossible d'avoir la moindre idée de la bataille : était-ce même une vraie, une grande bataille ? Au-dessus de la ligne rase des champs, Maurice ne reconnaissait que le sommet arrondi et boisé du Hattoy, très loin, désert encore. D'ailleurs, à l'horizon,pas un Prussien ne se montrait. Seules, des fumées s'élevaient, flottaient un instant dans le soleil. Et, comme il tournait la tête, il fut très surpris d'apercevoir, au fond d'un vallon écarté, protégé par des pentes rudes, un paysan qui labourait sans hâte, poussant sa charrue attelée d'un grand cheval blanc. Pourquoi perdre un jour ? Ce n'était pas parce qu'on se battait, que le blé cesserait de croître et le monde de vivre.