La Débâcle

La Débâcle (paragraphe n°1141)

Partie : DEUXIEME PARTIE, chapitre I

Plus rien n'existait que sa rage, cette fureur inextinguible de la lutte, à l'idée que l'étranger entrerait chez lui, s'assoirait sur sa chaise, boirait dans son verre. Cela soulevait tout son être, emportait son existence accoutumée, sa femme, ses affaires, sa prudence de petit bourgeois raisonnable. Et il s'enferma dans sa maison, s'y barricada, y tourna comme une bête en cage, passant d'une pièce dans une autre, s'assurant que toutes les ouvertures étaient bien bouchées. Il compta sescartouches, il en avait encore une quarantaine. Puis, comme il allait donner un dernier coup d'œil vers la Meuse, pour s'assurer qu'aucune attaque n'était à craindre par les prairies, la vue des coteaux de la rive gauche l'arrêta de nouveau un instant. Des envolements de fumée indiquaient nettement les positions des batteries prussiennes. Et, dominant la formidable batterie de Frénois, à l'angle d'un petit bois de la Marfée, il retrouva le groupe d'uniformes, plus nombreux, d'un tel éclat au grand soleil, qu'en mettant son binocle par-dessus ses lunettes, il distinguait l'or des épaulettes et des casques.

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