La Curée

La Curée (paragraphe n°795)

Chapitre V

Cette liberté entière, cette impunité les enhardissait encore. S'ils poussaient les verrous la nuit, ils s'embrassaient le jour dans toutes les pièces de l'hôtel. Ils inventèrent mille petits jeux, par les temps de pluie. Mais le grand régal de Renée était toujours de faire un feu terrible et de s'assoupir devant le brasier. Elle eut, cet hiver-là, un luxe de linge merveilleux. Elle porta des chemises et des peignoirs d'un prix fou, dont les entre-deux et la batiste la couvraient à peine d'une fumée blanche. Et, dans la lueur rouge du brasier, elle restait, comme nue, les dentelles et la peau roses, la chair baignée par la flamme à travers l'étoffe mince. Maxime, accroupi à ses pieds, lui baisait les genoux, sans même sentir le linge qui avait la tiédeur et la couleur de ce beau corps. Le jour était bas, il tombait pareil à un crépuscule dans la chambre de soie grise, tandis que Céleste allait et venait derrière eux, de son pas tranquille. Elle était devenue leur complice, naturellement. Un matin qu'ilss'étaient oubliés au lit, elle les y trouva, et garda son flegme de servante au sang glacé. Ils ne se gênaient plus, elle entrait à toute heure, sans que le bruit de leurs baisers lui fit tourner la tête. Ils comptaient sur elle pour les prévenir en cas d'alerte. Ils n'achetaient pas son silence. C'était une fille très économe, très honnête, et à laquelle on ne connaissait pas d'amant.

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