La Curée
La Curée (paragraphe n°613)
Chapitre IV
Elle déposa doucement le petit os dans son assiette. Le ronflement des voitures continuait, sans qu'une noteplus vive s'élevât. Elle était obligée de hausser la voix pour qu'il pût l'entendre, et les rougeurs de ses joues augmentaient. Il y avait encore, sur la console, des truffes, un entremets sucré, des asperges, une curiosité pour la saison. Il apporta le tout, pour ne plus avoir à se déranger, et comme la table était un peu étroite, il plaça à terre, entre elle et lui, un seau d'argent plein de glace, dans lequel se trouvait une bouteille de champagne. L'appétit de la jeune femme finissait par le gagner. Ils touchèrent à tous les plats, ils vidèrent la bouteille de champagne, avec des gaietés brusques, se lançant dans des théories scabreuses, s'accoudant comme deux amis qui soulagent leur cœur, après boire. Le bruit diminuait sur le boulevard ; mais elle l'entendait au contraire qui grandissait, et toutes ces roues, par instants, semblaient lui tourner dans la tête.