La Curée
La Curée (paragraphe n°427)
Chapitre III
Les treize ans de Maxime étaient déjà terriblement savants. C'était une de ces natures frêles et hâtives, dans lesquelles les sens poussent de bonne heure. Le vice enlui parut même avant l'éveil des désirs. A deux reprises, il faillit se faire chasser du collège. Renée, avec des yeux habitués aux grâces provinciales, aurait vu que, tout fagoté qu'il était, le petit tondu, comme elle le nommait, souriait, tournait le cou, avançait les bras d'une façon gentille, de cet air féminin des demoiselles de collège. Il se soignait beaucoup les mains, qu'il avait minces et longues ; si ses cheveux restaient courts, par ordre du proviseur, ancien colonel du génie, il possédait un petit miroir qu'il tirait de sa poche, pendant les classes, qu'il posait entre les pages de son livre, et dans lequel il se regardait des heures entières, s'examinant les yeux, les gencives, se faisant des mines, s'apprenant des coquetteries. Ses camarades se pendaient à sa blouse, comme à une jupe, et il se serrait tellement, qu'il avait la taille mince, le balancement de hanches d'une femme faite. La vérité était qu'il recevait autant de coups que de caresses. Le collège de Plassans, un repaire de petits bandits comme la plupart des collèges de province, fut ainsi un milieu de souillure, dans lequel se développa singulièrement ce tempérament neutre, cette enfance qui apportait le mal, d'on ne savait quel inconnu héréditaire. L'âge allait heureusement le corriger. Mais la marque de ses abandons d'enfant, cette effémination de tout son être, cette heure où il s'était cru fille, devait rester en lui, le frapper à jamais dans sa virilité.