La Curée

La Curée (paragraphe n°384)

Chapitre II

Les appartements de l'hôtel avaient le calme triste, la solennité froide de la cour. Desservis par un large escalier à rampe de fer, où les pas et la toux des visiteurs sonnaient comme sous une voûte d'église, ils s'étendaient en longues enfilades de vastes et hautes pièces, dans lesquelles se perdaient de vieux meubles, de bois sombre et trapu ; et le demi-jour n'était peuplé que par les personnages des tapisseries, dont on apercevait vaguement les grands corps blêmes. Tout le luxe de l'ancienne bourgeoisie parisienne était là, un luxe inusable et sans mollesse, des sièges dont le chêne est recouvert à peine d'un peu d'étoupe, des lits aux étoffes rigides, des bahuts à linge où la rudesse des planches compromettrait singulièrement la frêle existence des robes modernes. Monsieur Béraud Du Châtel avait choisi son appartement dans la partie la plus noire de l'hôtel, entre la rue et la cour, au premier étage. Il se trouvait là dans un cadre merveilleux de recueillement, de silence et d'ombre. Quand il poussait les portes, traversant lasolennité des pièces, de son pas lent et grave, on l'eût pris pour un de ces membres des vieux parlements, dont on voyait les portraits accrochés aux murs, rentrant chez lui tout songeur, après avoir discuté et refusé de signer un édit du roi.

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