La Curée
La Curée (paragraphe n°179)
Chapitre I
Maxime, qui désirait parler à Renée, traversa le grand salon dans sa longueur, sachant bien où il trouverait le cénacle de ces dames. Il y avait, à l'autre extrémité de la galerie, faisant pendant au fumoir, une pièce ronde dont on avait fait un adorable petit salon. Ce salon, avec ses tentures, ses rideaux et ses portières de satin bouton-d'or,avait un charme voluptueux, d'une saveur originale et exquise. Les clartés du lustre, très délicatement fouillé, chantaient une symphonie en jaune mineur, au milieu de toutes ces étoffes couleur de soleil. C'était comme un ruissellement de rayons adoucis, un coucher d'astre s'endormant sur une nappe de blés mûrs. A terre, la lumière se mourait sur un tapis d'Aubusson semé de feuilles sèches. Un piano d'ébène marqueté d'ivoire, deux petits meubles dont les glaces laissaient voir un monde de bibelots, une table Louis XVI, une console jardinière surmontée d'une énorme gerbe de fleurs, suffisaient à meubler la pièce. Les causeuses, les fauteuils, les poufs, étaient recouverts de satin bouton-d'or capitonné, coupé par de larges bandes de satin noir brodé de tulipes voyantes. Et il y avait encore des sièges bas, des sièges volants, toutes les variétés élégantes et bizarres du tabouret. On ne voyait pas le bois de ces meubles ; le satin, le capiton couvrait tout. Les dossiers se renversaient avec des rondeurs moelleuses de traversins. C'était comme des lits discrets où l'on pouvait dormir et aimer dans le duvet, au milieu de la sensuelle symphonie en jaune mineur.