La Curée

La Curée (paragraphe n°15)

Chapitre I

Accoutumée aux grâces savantes de ces points de vue, Renée, reprise par ses lassitudes, avait baissé complètement les paupières, ne regardant plus que ses doigts minces qui enroulaient sur leurs fuseaux les longs poils de la peau d'ours. Mais il y eut une secousse dans le trot régulier de la file des voitures. Et, levant la tête, elle salua deux jeunes femmes couchées côte à côte, avec une langueur amoureuse, dans un huit-ressorts qui quittait à grand fracas le bord du lac pour s'éloigner par une allée latérale. Madame la marquise d'Espanet, dont le mari, alors aide de camp de l'empereur, venait de se rallier bruyamment, au scandale de la vieille noblesse boudeuse, était une des plus illustres mondaines du second Empire, l'autre, madame Haffner, avait épousé un fameux industriel de Colmar, vingt fois millionnaire, et dont l'Empire faisait un homme politique. Renée, qui avait connu en pension les deux inséparables, comme on les nommait d'un air fin, les appelait Adeline et Suzanne, de leurs petits noms. Et comme, après leur avoir souri, elle allait se pelotonner de nouveau, un rire de Maxime la fit se tourner.

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