La Curée

La Curée (paragraphe n°14)

Chapitre I

Mais le jeune homme s'était penché, suivant des yeux une dame dont la robe verte l'intéressait. Renée avait reposé sa tête, les yeux demi-clos, regardant paresseusement des deux côtés de l'allée, sans voir. A droite, filaient doucement des taillis, des futaies basses, aux feuilles roussies, aux branches grêles ; par instants, sur la voie réservée aux cavaliers, passaient des messieurs à la taille mince, dont les montures, dans leur galop, soulevaient de petites fumées de sable fin. A gauche, au bas des étroites pelouses qui descendent, coupées de corbeilles et de massifs, le lac dormait, d'une propreté de cristal, sans une écume, comme taillé nettement sur ses bords par la bêche des jardiniers ; et, de l'autre côté de ce miroir clair, les deux îles, entre lesquelles le pont qui les joint faisait une barre grise, dressaient leurs falaises aimables, alignaient sur le ciel pâle les lignes théâtrales de leurs sapins de leurs arbres aux feuillages persistants dont l'eau reflétait les verdures noires, pareilles à des franges de rideaux savamment drapées au bord de l'horizon. Ce coin de nature, ce décor qui semblait fraîchement peint, baignait dans une ombre légère, dans une vapeur bleuâtre qui achevait de donneraux lointains un charme exquis, un air d'adorable fausseté. Sur l'autre rive, le Chalet des Iles, comme verni de la veille, avait des luisants de joujou neuf ; et ces rubans de sable jaune, ces étroites allées de jardin, qui serpentent dans les pelouses et tournent autour du lac, bordées de branches de fonte imitant des bois rustiques, tranchaient plus étrangement, à cette heure dernière, sur le vert attendri de l'eau et du gazon.

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