La Conquête de Plassans

La Conquête de Plassans (paragraphe n°506)

Chapitre VI

La dame, reprit l'autre, a toujours eu la passion de recevoir. Quand elle n'avait pas le sou, elle buvait de l'eau, pour offrir le soir des verres de limonade à ses invités... Oh ! je les connais sur le bout du doigt, les Rougon ; je les ai suivis. Ce sont des gens très forts. Ilsavaient une rage d'appétits à jouer du couteau au coin d'un bois. Le coup d'Etat les a aidés à satisfaire un rêve de jouissances qui les torturait depuis quarante ans. Aussi quelle gloutonnerie, quelle indigestion de bonnes choses !... Tenez, cette maison qu'ils habitent aujourd'hui appartenait alors à un monsieur Peirotte, receveur particulier, qui fut tué à l'affaire de Sainte-Roure, lors de l'insurrection de 51. Oui, ma foi ! ils ont eu toutes les chances : une balle égarée les a débarrassés de cet homme gênant, dont ils ont hérité... Eh bien ! entre la maison et la charge du receveur, Félicité aurait certainement choisi la maison. Elle la couvait des yeux depuis près de dix ans, prise d'une envie furieuse de femme grosse, se rendant malade à regarder les rideaux riches qui pendaient derrière les glaces des fenêtres. C'étaient ses Tuileries, à elle, selon le mot qui courut à Plassans, après le 2 Décembre.

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