La Conquête de Plassans
La Conquête de Plassans (paragraphe n°346)
Chapitre IV
Non, reprit-il, montrant d'un double mouvement de tête le jardin des Rastoil et le jardin de la sous-préfecture, je ne puis regarder ces deux sociétés, sans que cela me fasse faire du bon sang... Vous ne vous occupez pas de politique, monsieur l'abbé, autrement je vous ferais bien rire... Imaginez-vous qu'à tort ou à raison je passe pour un républicain. Je cours beaucoup les campagnes, à cause de mes affaires ; je suis l'ami des paysans ; on a même parlé de moi pour le conseil général ; enfin, mon nom est connu... Eh bien ! j'ai là, à droite, chez les Rastoil, la fine fleur de la légitimité, et là, à gauche, chez le sous-préfet, les gros bonnets de l'Empire. Hein ! est-ce assez drôle ? mon pauvre vieux jardin si tranquille, mon petit coin de bonheur, entre ces deux camps ennemis. J'ai toujours peur qu'ils ne se jettent des pierres par-dessus mes murs... Vous comprenez, leurs pierres pourraient tomber dans mon jardin.