La Conquête de Plassans
La Conquête de Plassans (paragraphe n°2446)
Chapitre XXII
La cave ne fermait qu'au loquet. Il s'avança au milieu des ténèbres épaisses du vestibule, tâtant les murs, poussant la porte de la cuisine. Les allumettes étaient à gauche, sur une planche. Il alla droit à cette planche, frotta une allumette, s'éclaira pour prendre une lampe surle manteau de la cheminée, sans rien casser. Puis, il regarda. Il devait y avoir eu, le soir, quelque gros repas. La cuisine était dans un désordre de bombance : les assiettes, les plats, les verres sales, encombraient la table ; une débandade de casseroles, tièdes encore, traînaient sur l'évier, sur les chaises, sur le carreau ; une cafetière, oubliée au bord d'un fourneau allumé, bouillait, le ventre roulé en avant comme une personne soûle. Mouret redressa la cafetière, rangea les casseroles ; il les sentait, flairait les restes de liqueur dans les verres, comptait les plats et les assiettes avec un grondement plus irrité. Ce n'était pas sa cuisine propre et froide de commerçant retiré ; on avait gâché là la nourriture de toute une auberge ; cette malpropreté goulue suait l'indigestion.