La Conquête de Plassans
La Conquête de Plassans (paragraphe n°1891)
Chapitre XVIII
Et, à partir de ce moment, monsieur de Condamin chargea terriblement Mouret. Il poussait même les choses un peu loin, mettant toute sa hâblerie à inventer des histoires saugrenues qui ahurissaient la famille Rastoil. Il prit surtout pour victime monsieur Maffre. Un jour, il lui racontait qu'il avait aperçu Mouret à une des fenêtres de la rue, tout nu, coiffé seulement d'un bonnet de femme, faisant des révérences dans le vide. Un autre jour, il affirmait avec un aplomb étonnant qu'il était certain d'avoir rencontré à trois heures Mouret, dansant au fond d'un petit bois, comme un homme sauvage ; puis, comme le juge de paix semblait douter, il se fâchait, il disait que Mouret pouvait bien s'en aller par les tuyaux de descente, sans qu'on s'en aperçût. Les familiers de la sous-préfecture souriaient ; mais, dès le lendemain, la bonne des Rastoil répandait ces récits extraordinaires dans laville, où la légende de l'homme qui battait sa femme prenait des proportions extraordinaires.