La Conquête de Plassans

La Conquête de Plassans (paragraphe n°1743)

Chapitre XVII

Cependant, peu à peu, dans le quartier, le bruit se répandait qu'il se passait d'étranges choses chez les Mouret. On racontait que le mari assommait la femme, toutes les nuits, à coups de trique. Rose avait fait jurer à madame Faujas et à Olympe de ne rien dire, puisque sa maîtresse paraissait vouloir se taire ; mais elle-même, par ses apitoiements, par ses allusions et ses restrictions,avait contribué à former chez les fournisseurs la légende qui circulait. Le boucher, un farceur, prétendait que Mouret tapait sur sa femme parce qu'il l'avait trouvée avec le curé ; mais la fruitière défendait " la pauvre dame, " un véritable agneau, incapable de mal tourner ; tandis que la boulangère voyait dans le mari " un de ces hommes qui brutalisent leur femme pour le plaisir. " Au marché, on ne nommait plus Marthe que les yeux au ciel, avec ces cajoleries de paroles qu'on a pour les enfants malades. Lorsque Olympe allait acheter une livre de cerises ou un pot de fraises, la conversation tombait inévitablement sur les Mouret. C'était pendant un quart d'heure un flot de paroles attendries.

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