La Conquête de Plassans
La Conquête de Plassans (paragraphe n°1674)
Chapitre XVII
Quand il quitta la chambre, il laissa Marthe rayonnante, comme ressuscitée. A partir de ce jour, il la mania ainsi qu'une cire molle. Elle lui devint très utile, dans certaines missions délicates auprès de madame de Condamin ; elle fréquenta aussi assidûment madame Rastoil, sur un simple désir qu'il exprima. Elle était d'une obéissance absolue, ne cherchant pas à comprendre, répétant ce qu'il la priait de répéter. Il ne prenait même plus aucune précaution avec elle, lui faisait crûment sa leçon, se servait d'elle comme d'une pure machine. Elle aurait mendié dans les rues, s'il lui en avait donné l'ordre. Et quand elle devenait inquiète, qu'elle tendait les mains vers lui, le cœur crevé, les lèvres gonflées de passion, il la jetait à terre d'un mot, il l'écrasait sous la volonté du ciel. Jamais elle n'osa parler. Il y avait entre elle et cet homme un mur de colère et de dégoût. Quand il sortait des courtes luttes qu'il avait à soutenir avec elle, il haussait les épaules, plein du mépris d'un lutteur arrêté par un enfant. Il se lavait, il se brossait, comme s'il eût touché malgré lui à une bête impure.