La Conquête de Plassans

La Conquête de Plassans (paragraphe n°1249)

Chapitre XIV

Ils sortirent, et la partie la plus agréable du monde s'engagea. Les deux demoiselles commencèrent. Ce fut Angéline qui manqua la première le volant. L'abbé Surin l'ayant remplacée tint la raquette avec une adresse et une ampleur vraiment magistrales. Il avait ramené sa soutane entre ses jambes ; il bondissait en avant, en arrière, sur les côtés, ramassait le volant au ras du sol, le saisissait d'un revers à des hauteurs surprenantes, le lançait roide comme une balle ou lui faisait décrire des courbes élégantes, calculées avec une science parfaite. D'ordinaire, il préférait les mauvais joueurs, qui, en jetant le volant au hasard, sans aucun rythme, selon son expression, l'obligeaient à déployer toute la souplesse de son jeu. Mademoiselle Aurélie était d'une jolie force ; elle poussait un cri d'hirondelle à chaque coup de raquette, riant comme une folle quand le volant s'en allait droit sur le nez du jeune abbé ; puis, elle se ramassait dans ses jupes pour l'attendre ou reculait par petits sauts, avec un bruit terrible d'étoffe froissée, lorsqu'il lui faisait la niche de taper plus fort. Enfin, le volant étant venu se planter dans ses cheveux, elle faillit tomber à la renverse, ce qui les égaya beaucoup tous les trois. Angéline prit la place. Dans le jardin des Mouret, chaque fois que l'abbéFaujas levait les yeux de son bréviaire, il apercevait le vol blanc du volant au-dessus de la muraille, pareil à un gros papillon.

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