La Bête humaine
La Bête humaine (paragraphe n°631)
Chapitre IV
Voyons, pourtant, il faut raisonner, s'écria-t-il. Des gens comme les Roubaud ne tuent pas un homme comme votre père, pour hériter plus vite ; ou, tout au moins, il y aurait des indices de leur hâte, je trouverais ailleurs des traces de cette âpreté à posséder et à jouir. Non, le mobile ne suffit point, il faudrait en découvrir un autre, et il n'y a rien, vous n'apportez rien vous-mêmes... Puis, rétablissez les faits, ne constatez-vous pas desimpossibilités matérielles ? Personne n'a vu les Roubaud monter dans le coupé, un employé croit même pouvoir affirmer qu'ils sont retournés dans leur compartiment. Et, puisqu'ils y étaient pour sûr à Barentin, il serait nécessaire d'admettre un va-et-vient de leur wagon à celui du président, dont les séparaient trois autres voitures, cela pendant les quelques minutes du trajet, lorsque le train était lancé à toute vitesse. Est-ce vraisemblable ? J'ai questionné des mécaniciens, des conducteurs. Tous m'ont dit qu'une grande habitude seule pouvait donner assez de sang-froid et d'énergie... La femme n'en aurait pas été en tout cas, le mari se serait risqué sans elle ; et pourquoi faire, pour tuer un protecteur qui venait de les tirer d'un embarras grave ? Non, non, décidément ! l'hypothèse ne tient pas debout, il faut chercher ailleurs... Ah ! un homme qui serait monté à Rouen et descendu à la première station, qui aurait récemment prononcé des menaces de mort contre la victime...