La Bête humaine
La Bête humaine (paragraphe n°1881)
Chapitre XI
Et, cette fois, emportés jusqu'à l'évanouissement, ils s'aimèrent. Lorsqu'ils s'endormirent enfin, au fond du grand silence, en se tenant encore à pleins bras, il ne faisait pas jour, la pointe de l'aube commençait à blanchir les ténèbres qui les avaient cachés l'un à l'autre, comme enveloppés d'un manteau noir. Lui, jusqu'à dix heures, dormit d'un sommeil écrasé, sans un rêve ; et, quand il ouvrit les yeux, il était seul, elle s'habillait dans sa chambre, de l'autre côté du palier. Une nappe de clair soleil entrait par la fenêtre, incendiant les rideaux rouges du lit, les tentures rouges des murs, tout ce rouge dontflambait la pièce ; tandis que la maison tremblait du tonnerre d'un train, qui venait de passer. Ce devait être ce train qui l'avait réveillé. Ebloui, il regarda le soleil, le ruissellement rouge où il était ; puis, il se souvint : c'était décidé, c'était la nuit prochaine qu'il tuerait, lorsque ce grand soleil aurait disparu.