La Bête humaine
La Bête humaine (paragraphe n°1679)
Chapitre X
Vers cinq heures, le jour se leva, une aube fraîche, d'une limpidité pure. Malgré le petit froid vif, elle ouvrit la fenêtre toute grande, et la délicieuse matinée entra dans la chambre lugubre, pleine d'une fumée et d'une odeur de mort. Le soleil était encore sous l'horizon, derrière une colline couronnée d'arbres ; mais il parut, vermeil, ruisselant sur les pentes, inondant les chemins creux, dans la gaieté vivante de la terre, à chaque printemps nouveau. Elle ne s'était pas trompée, la veille : il ferait beau, ce matin-là, un de ces temps de jeunesse et de radieuse santé, où l'on aime vivre. Dans ce pays désert, parmi les continuels coteaux, coupés de vallons étroits, qu'il serait bon de s'en aller le long des sentiers de chèvre, à sa libre fantaisie ! Et, lorsqu'elle se retourna, rentrant dans la chambre, elle fut surprise de voir la chandelle, comme éteinte, ne plus tacher le grand jour que d'une larme pâle. La morte semblait maintenant regarder sur la voie, où les trains continuaient à secroiser, sans même remarquer cette lueur pâlie de cierge, près de ce corps.