La Bête humaine
La Bête humaine (paragraphe n°1501)
Chapitre IX
Le lendemain matin, Séverine remarqua, par hasard, une écorchure toute fraîche, à une arête de la frise. Elle se baissa, constata les traces d'une pesée. Evidemment, son mari continuait à prendre de l'argent. Et elle s'étonna du mouvement de colère qui l'emportait, car elle n'était pas intéressée d'habitude ; sans compter qu'elle aussi se croyait résolue à mourir de faim, plutôt que de toucher à ces billets tachés de sang. Mais n'étaient-ils pas à elle autant qu'à lui ? pourquoi en disposait-il, en se cachant, en évitant même de la consulter ? Jusqu'au dîner, elle fut tourmentée du besoin d'une certitude, et elle aurait à son tour déplacé la frise, pour voir, si elle n'avait senti un petit souffle froid dans ses cheveux, à la pensée de fouiller là toute seule. Le mort n'allait-il pas se lever de ce trou ? Cette peur d'enfant lui rendit la salle à manger si désagréable, qu'elle emporta son ouvrage et s'enferma dans sa chambre.