La Bête humaine

La Bête humaine (paragraphe n°1229)

Chapitre VII

Cependant, la proposition de Misard, cette maison de garde-barrière, où l'on pouvait se réfugier, trouver du feu, peut-être du pain et du vin, courait d'une voiture à une autre. La panique s'était calmée, lorsqu'on avait compris qu'on ne courait aucun danger immédiat ; seulement, la situation n'en restait pas moins lamentable : lesbouillottes se refroidissaient, il était neuf heures, on allait souffrir de la faim et de la soif, pour peu que les secours se fissent attendre. Et cela pouvait s'éterniser, qui savait si l'on ne coucherait pas là ? Deux camps se formèrent : ceux qui, de désespoir, ne voulaient pas quitter les wagons, et qui s'y installaient comme pour y mourir, enveloppés dans leurs couvertures, allongés rageusement sur les banquettes ; et ceux qui préféraient risquer la course à travers la neige, espérant trouver mieux là-bas, désireux surtout d'échapper au cauchemar de ce train échoué, mort de froid. Tout un groupe se forma, le négociant âgé et sa jeune femme, la dame anglaise avec ses deux filles, le jeune homme du Havre, l'Américain, une douzaine d'autres, prêts à se mettre en marche.

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