L'Œuvre
L'Œuvre (paragraphe n°67)
Chapitre I
Légèrement, Claude courut prendre sa boîte de pastel et une grande feuille de papier. Puis, accroupi au bord d'une chaise basse, il posa sur ses genoux un carton, il se mit à dessiner, d'un air profondément heureux. Tout son trouble, sa curiosité charnelle, son désir combattu, aboutissaient à cet émerveillement d'artiste, à cet enthousiasme pour les beaux tons et les muscles bien emmanchés. Déjà, il avait oublié la jeune fille, il étaitdans le ravissement de la neige des seins, éclairant l'ambre délicat des épaules. Une modestie inquiète le rapetissait devant la nature, il serrait les coudes, il redevenait un petit garçon, très sage, attentif et respectueux. Cela dura près d'un quart d'heure, il s'arrêtait parfois, clignait les yeux. Mais il avait peur qu'elle ne bougeât, et il se remettait vite à la besogne, en retenant sa respiration, par crainte de l'éveiller.