L'Œuvre

L'Œuvre (paragraphe n°2190)

Chapitre XI

Dès lors, Henriette et Sandoz, consternés, assistèrent à la déroute de leur menu. La salade de truffes, la glace, le dessert, tout fut avalé sans joie, dans la colère montante de la querelle ; et le chambertin, et le vin de la Moselle, passèrent comme de l'eau pure. Vainement, elle souriait, tandis que lui, bonhomme, s'efforçait de les calmer, en faisant la part des infirmités humaines. Pas un ne lâchait prise, un mot les rejetait les uns sur les autres,acharnés. Ce n'était plus l'ennui vague, la satiété somnolente qui attristait parfois les anciennes réunions ; c'était maintenant de la férocité dans la lutte, un besoin de se détruire. Les bougies de la suspension brûlaient très hautes, les faïences des murs épanouissaient leurs fleurs peintes, la table semblait s'être incendiée, avec la débâcle de son couvert, sa violence de causerie, ce saccage qui les enfiévrait là, depuis deux heures.

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