L'Œuvre
L'Œuvre (paragraphe n°217)
Chapitre II
Alors, d'autres souvenirs leur vinrent, ceux dont leurs cœurs battaient à grands coups, les belles journées de plein air et de plein soleil qu'ils avaient vécues là-bas, hors du collège. Tout petits, dès leur sixième, les trois inséparables s'étaient pris de la passion des longues promenades. Ils profitaient des moindres congés, ils s'en allaient à des lieues, s'enhardissant à mesure qu'ils grandissaient, finissant par courir le pays entier, des voyages qui duraient souvent plusieurs jours. Et ils couchaient au petit bonheur de la route, au fond d'un trou de rocher, sur l'aire pavée, encore brûlante, où la paille du blé battu leur faisait une couche molle, dans quelque cabanon désert, dont ils couvraient le carreau d'un lit de thym et de lavande. C'étaient des fuites loin du monde, une absorption instinctive au sein de la bonne nature, une adoration irraisonnée de gamins pour les arbres, les eaux, les monts, pour cette joie sans limite d'être seuls et d'être libres.