L'Œuvre
L'Œuvre (paragraphe n°1445)
Chapitre VIII
A cette époque, son cœur s'ouvrit, plus large, et une mère se dégagea de l'amante. Cette maternité pour son grand enfant d'artiste était faite de la pitié vague et infinie qui l'attendrissait, de la faiblesse illogique où elle le voyait tomber à chaque heure, des pardons continuels qu'elle était forcée de lui accorder. Il commençait à la rendre malheureuse, elle n'avait plus de lui que ces caresses d'habitude, données ainsi qu'une aumône aux femmes dont on se détache ; et, comment l'aimer encore, quand il s'échappait de ses bras, qu'il montrait un air d'ennui dans les étreintes ardentes dont elle l'étouffait toujours ? comment l'aimer, si elle ne l'aimait pas de cette autre affection de chaque minute, en adoration devant lui,s'immolant sans cesse ? Au fond d'elle, l'insatiable amour grondait, elle demeurait la chair de passion, la sensuelle aux lèvres fortes dans la saillie têtue des mâchoires. C'était une douceur triste, alors, après les chagrins secrets de la nuit, de n'être plus qu'une mère jusqu'au soir, de goûter une dernière et pâle jouissance dans la bonté, dans le bonheur qu'elle tâchait de lui faire, au milieu de leur vie gâtée maintenant.