L'Œuvre
L'Œuvre (paragraphe n°1435)
Chapitre VIII
Le moment lui paraissait si bon pour le succès d'un artiste brave, qui apporterait enfin une note d'originalité et de franchise, dans la débâcle des vieilles écoles ! Déjà, les formules de la veille se trouvaient ébranlées, Delacroix était mort sans élèves, Courbet avait à peine derrière lui quelques imitateurs maladroits ; leurs chefs-d'œuvre n'allaient plus être que des morceaux de musée, noircis par l'âge, simples témoignages de l'art d'une époque ; et il semblait aisé de prévoir la formule nouvelle qui se dégagerait des leurs, cette poussée du grand soleil,cette aube limpide qui se levait dans les récents tableaux, sous l'influence commençante de l'école du plein air. C'était indéniable, les œuvres blondes dont on avait tant ri au Salon des refusés, travaillaient sourdement bien des peintres, éclaircissaient peu à peu toutes les palettes. Personne n'en convenait encore, mais le branle était donné, une évolution se déclarait, qui devenait de plus en plus sensible à chaque Salon. Et quel coup, si, au milieu de ces copies inconscientes des impuissants, de ces tentatives peureuses et sournoises des habiles, un maître se révélait, réalisant la formule avec l'audace de la force, sans ménagements telle qu'il fallait la planter, solide et entière, pour qu'elle fût la vérité de cette fin de siècle !