L'Assommoir

L'Assommoir (paragraphe n°940)

Partie : Préface de l'auteur, chapitre VI

Aussi ça ne leur a pas porté bonheur, ah ! Dieu de Dieu ! non, pas bonheur du tout !... Ils étaient allés demeurer au diable, du côté de la Glacière, dans une sale rue où il y a toujours de la boue jusqu'aux genoux. Moi, deux jours après, je suis partie un matin pour déjeuner avec eux ; une fière course d'omnibus, je vous assure ! Eh bien ! ma chère, je les ai trouvés en train de se houspiller déjà. Vrai, comme j'entrais, ils s'allongeaient des calottes. Hein ! en voilà des amoureux !... Vous savez qu'Adèle ne vaut pas la corde pour la pendre. C'est ma sœur, mais ça ne m'empêche pas de dire qu'elle est dans la peau d'une fière salope. Elle m'a fait un tas de cochonneries ; ça serait trop long à conter, puis ce sont des affaires à régler entre nous... Quant à Lantier, dame !, vous le connaissez, il n'est pas bon non plus. Un petit monsieur, n'est-ce pas ? qui vous enlève le derrière pour un oui, pour un non ! Et il ferme le poing, lorsqu'il tape... Alors donc ils se sont échignés en conscience. Quand on montait l'escalier, on les entendait se bûcher. Un jour même, la police est venue. Lantier avait voulu une soupe à l'huile, une horreur qu'ils mangent dans le midi ; et, comme Adèle trouvait ça infect, ils se sont jeté la bouteille d'huile à la figure, la casserole, la soupière, tout le tremblement ; enfin, une scène à révolutionner un quartier.

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