L'Assommoir

L'Assommoir (paragraphe n°935)

Partie : Préface de l'auteur, chapitre VI

La blanchisseuse demeura toute gênée. Voilà ce qu'elle craignait. Maintenant, elle devinait qu'il allait être question de Lantier et d'Adèle. La mécanique ronflait, un redoublement de chaleur rayonnait du tuyau rouge. Dans cet assoupissement, les ouvrières, qui faisaient durer leur café pour se remettre à l'ouvrage le plus tard possible, regardaient la neige de la rue, avec des mines gourmandes et alanguies. Elles en étaient aux confidences ; elles disaient ce qu'elles auraient fait, si elles avaient eu dix mille francs de rente ; elles n'auraientrien fait du tout, elles seraient restées comme ça des après-midi à se chauffer, en crachant de loin sur la besogne. Virginie s'était rapprochée de Gervaise, de façon à ne pas être entendue des autres. Et Gervaise se sentait toute lâche, à cause sans doute de la trop grande chaleur, si molle et si lâche, qu'elle ne trouvait pas la force de détourner la conversation ; même elle attendait les paroles de la grande brune, le cœur gros d'une émotion dont elle jouissait sans se l'avouer.

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