L'Assommoir
L'Assommoir (paragraphe n°899)
Partie : Préface de l'auteur, chapitre VI
Poisson se leva, salua poliment Gervaise, que sa femme lui présenta comme une ancienne amie. Mais il n'était pas causeur, il reprit tout de suite sa petite scie. De temps à autre, il lançait seulement un regard sur le maquereau, posé au bord de la commode. Gervaise fut très contente de revoir son ancien logement ; elle dit où les meubles étaient placés, et elle montra l'endroit où elle avait accouché, par terre. Comme ça se rencontrait, pourtant ! Quand elles s'étaient perdues de vue toutes deux, autrefois, elles n'auraient jamais cru se retrouver ainsi, en habitant l'une après l'autre la même chambre. Virginie ajouta de nouveaux détails sur elle et son mari : il avait fait un petit héritage d'une tante ; il l'établiraitsans doute plus tard ; pour le moment, elle continuait à s'occuper de couture, elle bâclait une robe par-ci par-là. Enfin, au bout d'une grosse demi-heure, la blanchisseuse voulut partir. Poisson tourna à peine le dos. Virginie, qui l'accompagna, promit de lui rendre sa visite ; d'ailleurs, elle lui donnait sa pratique, c'était une chose entendue. Et, comme elle la gardait sur le palier, Gervaise s'imagina qu'elle désirait lui parler de Lantier et de sa sœur Adèle, la brunisseuse. Elle en était toute révolutionnée à l'intérieur. Mais pas un mot ne fut échangé sur ces choses ennuyeuses, elles se quittèrent en se disant au revoir, d'un air très aimable.